Trois Questions à Eric Cernq, directeur de Chilka Ltd

Tabagisme

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Vous êtes l’un des premiers chercheurs à avoir exploré l’idée d’un vaccin contre la nicotine : quel a été votre parcours ?

J’ai commencé en 1991, date de mon premier brevet. Auparavant, j’étais chercheur dans le domaine des pathologies infectieuses, un domaine extrêmement compétitif. Lorsque je suis revenu des États-Unis en Suisse, j’ai décidé de démarrer une entreprise, Chilka Ltd, afin de développer des vaccins contre les addictions. À l’époque, il s’agissait d’une nouvelle niche, en termes de recherche. J’ai commencé à travailler sur l’héroïne mais je n’ai pas pu convaincre une grande entreprise de s’impliquer dans le projet. « Si c’était si facile de créer un vaccin, les Américains l’auraient déjà fait », m’a-t-on répondu. Cela ne paraissait pas du tout réaliste. Aux États-Unis, en revanche, suite à un séminaire, le NIDA s’est intéressé à la question et a très vite financé des projets, en particulier les travaux de Paul Pentel (qui travaille avec Nabi) sur la nicotine et de Barbara Fox sur la cocaïne, qui ont permis véritablement d’établir ce champ de recherche. Vers l’année 2000, notre groupe a travaillé avec Cytos, en collaboration avec Novartis. Une grande partie de leur travail de recherche initial était basé sur nos résultats, notamment tous les protocoles, les matériels et les anticorps. Par la suite, nous avons cessé cette collaboration et nous allons bientôt passer en phase clinique I / II sur un nouveau vaccin contre la nicotine.

Par rapport aux grandes entreprises comme Novartis ou GSK, quelles sont les perspectives d’une entreprise comme Chilka ?

Le marché est si vaste qu’il offre une grande place pour une différenciation des produits. Par exemple, si l’on décidait de vacciner des populations jeunes, il serait peut-être nécessaire de produire des anticorps sans adjuvants (Par mesure de précaution, on préfère ne pas donner d’adjuvants de dernière génération aux enfants, adolescents et femmes enceintes.). De même, le mode d’administration du vaccin pourrait être différent, un spray nasal par exemple, qui à l’avantage d’être indolore.

Que pensez-vous des résultats négatifs annoncés par Cytos ?

Les résultats portent sur une période d’observation de quatre semaines. Or, il est très rare d’avoir des résultats intermédiaires après un délai aussi court. Généralement c’est plutôt après six mois au moins pour un vaccin qui devrait protéger pour le reste de la vie. Novartis a l’air de partager cette opinion car ils ne vont pas se prononcer concernant la continuation de l’étude clinique avant une durée de 12 mois. D’un point de vue scientifique, il me semble que le rapport a été publié trop tôt. En termes de vaccination, à compter de ce laps de temps, on arrive tout juste au plateau de production d’anticorps. Il est même hasardeux de classer les individus en fonction de leur réponse à ce stade.