Interdiction du tabac dans les lieux publics : une unanimité pas si parfaite

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Notre si consciencieux ministre de la Santé serait-il devenu désobéissant ? Il y a un mois, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) rendait public un rapport concernant un dossier brûlant dans toute l’Europe : l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Les experts y faisaient preuve de fermeté en affirmant : « Seule une interdiction de fumer totale – sans fumoirs – dans les lieux accueillant du public ou les lieux de travail, à l’exclusion des domiciles et substituts de domicile, est cohérente avec des objectifs de protection sanitaire. » Déjà, certains bruissaient que l’idée pourrait être reprise à l’occasion de l’anniversaire du plan cancer par son premier instigateur, le Président de la République, Jacques Chirac, lui-même. Pourtant, l’anniversaire du plan cancer fut terni par le mécontentement quasi général créé par le CPE et plus encore par les rumeurs et polémiques qu’avaient fait naître les débuts de l’Institut national du cancer.

Pourtant, l’idée d’une interdiction du tabac dans les lieux publics étant loin d’être considérée comme fumeuse par nos pouvoirs publics, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, choisit de s’en saisir et devrait présenter le fruit de ses réflexions à Dominique de Villepin. Mais là où l’ensemble des professionnels de santé engagés dans la lutte contre le tabagisme s’étaient prononcés en faveur d’une interdiction totale de fumer dans les lieux publics, le ministre semble s’orienter vers la mise en place de fumoirs. La défense du ministre est d’ores et déjà assurée : dans ces fumoirs on pourra fumer, mais en aucun cas ni manger ni boire. Aussi, les employés des bars et restaurants ne seront pas obligés d’y pénétrer et ne seront plus exposés au tabagisme passif. La solution du ministre répond en cela à l’un des principaux soucis de l’IGAS qui à l’heure d’écarter ce type d’installations avait remarqué qu’elles présentaient « l’inconvénient de ne pas protéger les salariés, qui, dans le secteur (...) cafés, hôtels, restaurants, discothèques, peuvent être obligés de fréquenter les espaces fumeurs ». En outre, cette solution des fumoirs pourrait remporter l’adhésion de nombreux français. En effet, alors que le 24 mars était publié dans le Figaro un sondage affirmant que 78 % des Français se déclaraient favorables à une interdiction totale de fumer dans les lieux publics, une enquête de l’institut Ipsos révélait pour sa part ce 9 avril que seuls 56 % de nos compatriotes se révéleraient en accord avec une telle mesure. En effet, quand on les interpelle sur la possibilité de mettre en place des « fumoirs », 27 % des personnes interrogées semblent préférer cette option, un pourcentage qui atteint les 41 % quand il s’agit de fumeurs.

Pour autant, la mise en place de « fumoirs » offrirait aux établissements concernés la possibilité de nouveaux contournements de la loi comme avait été jadis contournée la loi Evin. Le ministre souhaite qu’un décret modifiant la loi Evin rappelle l’interdiction de fumer dans tous les lieux publics, à l’exception des zones dites « fumoirs ». Un délai pourrait en outre être donné aux bars tabac et aux discothèques. Un expert de santé publique cité aujourd’hui par le quotidien Libération prophétise déjà : « On va donner un délai aux professionnels pour s’équiper, se rendre compte que c’est cher. Les lobbies vont s’activer pour complexifier le décret et le rendre inapplicable ».