La nicotine, tueuse de neurones

Tabagisme

Tags : Tabagisme | 

Pourquoi a-t-on tant de difficultés à arrêter de fumer ? La nicotine, une molécule contenue dans le tabac, se fixe sur des récepteurs du cerveau. Cette fixation entraîne la libération d’un neuromédiateur du plaisir, la dopamine.

Cependant, quand la concentration en dopamine baisse, le fumeur ressent un vide, et le besoin de fumer une nouvelle cigarette. Le tabac cause des maladies cardio-vasculaires, des cancers et des insuffisances respiratoires. Jusqu’à présent, on pensait que le cerveau était épargné par la nicotine, ne bénéficiant que du plaisir lié à l’absorption de nicotine et d’une certaine stimulation des capacités intellectuelles. Pier-Vincenzo Piazza et Djoher Nora Abrous, de l’unité INSERM U239, ont observé une autre réalité : la nicotine affaiblit les connexions entre neurones, ralentit leur croissance et les détruit. Un des derniers bastions de la résistance nicotinique vient de tomber.

P.-V. Piazza et ses collègues ont d’abord habitué des rats à s’auto-administrer de la nicotine. Les rongeurs portent sur le dos un cathéter connecté à une pompe qui leur injecte de la nicotine lorsqu’ils introduisent le museau dans un trou particulier. Ils ont le choix entre deux orifices : le premier n’a aucune conséquence, le second commande l’injection de nicotine. Au début de leur « apprentissage », les rats introduisent leur museau indifféremment dans l’un ou l’autre des trous. Puis, à mesure que la dépendance s’installe, ils s’intéressent de plus en plus souvent au trou qui déclenche l’injection de nicotine. Une fois ce comportement d’auto-administration ancré, on prélève leur cerveau.

Les cellules nerveuses ont été examinées dans une région qui joue un rôle décisif dans certains processus cognitifs. Dans ce gyrus denté, des neurones croissent en permanence, répondant aux besoins de mémorisation de l’animal. Chez les rats ayant subi l’exposition prolongée à la nicotine, cette structure cérébrale subit des changements notables. Les molécules assurant l’adhérence entre les extrémités neuronales sont produites en moindre quantité. Les connexions deviennent lâches, les neurones se transmettent moins bien les informations. Par ailleurs, le rythme de production des neurones est ralenti : alors qu’il se forme dix neurones chez le rat normal, il ne s’en forme que cinq chez le rat habitué à consommer de la nicotine. Enfin, une proportion non négligeable de neurones meurt dans le cerveau des rats exposés à la nicotine.

Ainsi, la nicotine affaiblit les propriétés de régénération du cerveau. Cette constatation semble en contradiction avec le vécu des fumeurs, qui, quand ils ont besoin de se concentrer, fument une cigarette. En fait, la nicotine redonnerait de la « force » aux neurones survivants, de sorte que le sujet retrouverait son seuil de performance normal..

C’est vraisemblablement pourquoi les fumeurs éprouveraient ce besoin impérieux de fumer : sans nicotine, ils se sentent handicapés devant les situations de stress ou d’effort intellectuel intense.