La tolérance au tabac mène à l’intolérance au glucose !

Tabagisme

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Le tabagisme est un facteur de risque cardiovasculaire majeur bien connu mais son association avec une augmentation d’incidence du diabète est une notion récente et sa caractérisation en tant que facteur de risque indépendant du développement de la maladie en est à ses débuts. Certaines études en effet ont mis en évidence une relation dose-dépendante entre tabac et diabète, d’autres non. Les hypothèses concernant le mécanisme sous-jacent à ce lien vont d’une altération de la tolérance au glucose et de la résistance à l’insuline, à une répartition nocive de la masse grasse avec augmentation du rapport tour de taille sur tour de hanches, en passant par une toxicité directe sur le pancréas qu’exprimerait l’augmentation constatée du risque de pancréatite chronique et de cancer du pancréas.

L’étude CARDIA, prospective et multicentrique, suit depuis 1985 de jeunes hommes et femmes blancs ou noirs dont l’âge au moment de l’inclusion était compris entre 18 et 30 ans. Son objectif est de connaître l’évolution naturelle du risque cardiovasculaire pendant la première partie de la vie adulte, en réalisant des évaluations à 2, 5, 7, 10 et 15 ans. Sur l’ensemble des participants, 4 572 individus qui ne présentaient pas d’intolérance au glucose ont pu être inclus dans une étude longitudinale secondaire visant à préciser l’association existant entre tabagisme actif et passif et risque d’intolérance au glucose. Ces sujets ont été répartis entre 4 groupes : les fumeurs (5 cigarettes par semaine depuis au moins 3 mois), les anciens fumeurs, les non-fumeurs exposés au tabagisme passif (confirmé par une concentration sérique de cotinine comprise entre 1 et 15 ng/ml) et les non-fumeurs sans exposition passive qui constituaient le groupe témoin. L’âge médian au moment de l’inclusion était de 25 ans et les participants comprenaient 55 % de femmes et 50 % d’afro-américains.

Au cours des 15 années de suivi, 16,7 % des sujets ont développé une intolérance au glucose (glycémie entre 1 g/l et 1,26 g/l) ou un diabète (glycémie > 1,26 g/l), avec une incidence d’autant plus élevée que le tabagisme était important : 21,8 % chez les fumeurs, 17,2 % chez les non-fumeurs exposés au tabagisme passif et 14,4 % chez les anciens fumeurs, contre 11,5 % chez les non-fumeurs non exposés. Après ajustement pour de nombreux facteurs présents à l’inclusion, socio-démographiques mais aussi biologiques et comportementaux (pression artérielle, taux de triglycérides, consommation d’alcool, indice de masse corporelle et modifications du tabagisme), le risque d’apparition d’une intolérance au glucose demeurait plus élevé chez les fumeurs (risque relatif [RR] = 1,65) et chez les non-fumeurs exposés au tabagisme passif (RR = 1,35) par rapport aux non-fumeurs non exposés à la fumée du tabac. Chaque augmentation de la consommation de tabac de 10 paquets-années entraînait une élévation du risque de 18 %. En revanche le risque des anciens fumeurs était identique à celui des non-fumeurs non exposés.

Cette étude confirme donc l’existence d’une association positive entre tabagisme et risque d’apparition d’une intolérance au glucose et apporte de nouvelles données. D’une part ce risque est d’autant plus élevé que la consommation de tabac est importante. D’autre part le tabagisme passif confère à ceux qui y sont exposés un risque intermédiaire, situé entre celui des fumeurs et celui des non-fumeurs non exposés. Les mêmes substances toxiques sont en effet présentes dans la fumée inhalée par le fumeur ou par son entourage mais certaines peuvent être encore plus concentrées en cas de tabagisme passif car les conditions de température en particulier sont différentes. Ceci pourrait expliquer une toxicité pancréatique plus élevée chez les fumeurs passifs. Autant d’arguments supplémentaires pour décider nos décideurs à diminuer l’exposition passive dans les lieux publics.