L'auto-déclaration

Réadaptation

Tags : Réadaptation | 

Introduction

Dans le contexte de la réadaptation, l'auto-déclaration est le terme employé pour décrire les renseignements subjectifs et personnels qui sont recueillis directement auprès de chaque client. Les auto-déclarations proviennent de deux sources: les entretiens et les questionnaires. Les auto-déclarations sont habituellement employées en combinaison avec une évaluation clinique formelle. Le degré de dépendance à l'auto-déclaration varie en fonction d'un certain nombre de facteurs, comprenant le stade de réadaptation, l'état cognitif de la personne et la nature de l'information recueillie. Comparativement au stade aigu de la réadaptation, la dépendance aux auto-déclarations a tendance à être plus importante au stade de la réadaptation communautaire, au moment où le client a eu le temps d'expérimenter la vie avec son incapacité. Les déficiences cognitives, comme la confusion, les déficiences mnésiques et les bas niveaux de conscience de soi peuvent avoir un impact sur l'exactitude des auto-déclarations chez certains groupes de clients. Dans ce cas, des déclarations collatérales de personnes proches des clients sont nécessaires afin de compléter les auto-déclarations, en plus des évaluations cliniques objectives.

Les auto-déclarations constituent le principal moyen de rassembler des types particuliers de renseignements pertinents à la réadaptation, comme le mode de vie prémorbide de la personne, ses préférences et ses capacités. Le recours aux auto-déclarations est essentiel à l'approche de réadaptation axée sur le client dans laquelle l'accent est mis sur la satisfaction des besoins perçus et des objectifs de l'individu. De par sa nature, l'auto-déclaration est le principal moyen d'accéder à des renseignements sur les processus internes de la personne, comme la douleur, et les réactions subjectives, comme les émotions. Les renseignements sur le statut social et l'environnement du domicile d'une personne sont habituellement tirés d'une auto-déclaration effectuée au cours d'un entretien clinique. Par exemple, la décision d'entreprendre une visite du domicile afin d'évaluer le besoin d'adaptation de l'environnement est parfois basée sur la description des caractéristiques du domicile du client.

En recherche sur la réadaptation, de même que dans la pratique clinique, l'emploi des auto-déclarations s'avère un moyen efficace de recueillir de grandes quantités de données et de les filtrer pour déterminer si une évaluation plus approfondie est nécessaire. Des questionnaires d'auto-déclarations standardisés mesurant une vaste gamme de variables ont été conçus à ces fins. L'auto-déclaration du degré de satisfaction de la clientèle constitue également un moyen d'évaluer les programmes dans le cadre de la recherche en réadaptation et de l'amélioration de la qualité des services.

L'auto-déclaration en entretien

L'entretien clinique est le point central du processus de réadaptation. Un entretien clinique dans lequel la personne fournit une auto-déclaration constitue habituellement la première étape de toute consultation auprès d'un praticien de la réadaptation. Alors que l'entretien clinique fait souvent partie du processus formel, des entretiens plus informels avec les clients constituent un élément récurrent et périodique d'un programme de réadaptation. Interroger les clients à propos de leurs objectifs, de leurs progrès et de leurs perceptions permet de personnaliser le programme de réadaptation en fonction de leurs besoins individuels. Des techniques spécifiques d'entretien structurés ont été mises au point afin de faciliter ce processus. Les techniques d'entretien motivationnelles constituent l'une des approches préconisées pour fixer des objectifs communs de réadaptation (Cox and Klinger 2004). La Mesure canadienne du rendement occupationnel (MCRO) (Law et coll. 1994) est une évaluation structurée, basée sur un entretien visant à fixer des objectifs axés sur l'activité et à déterminer les degrés de performance et de satisfaction perçus par le client. D'autres évaluations basées sur des entretiens emploient l'auto-déclaration afin d'évaluer des fonctions spécifiques, comme le Self-Awareness of Deficits Interview (entretien évaluant la conscience du client de ses propres incapacités) (Fleming et coll. 1996). De plus, la hausse des approches de recherche qualitative en réadaptation a permis l'élaboration de méthodes de plus en plus sophistiquées de collecte et d'analyse des données auto-déclarées obtenues auprès des participants au moyen d'entretiens structurés et approfondis.

Étant donné que beaucoup de sujets abordés dans le cadre d'un entretien clinique sont de nature personnelle et délicate, il s'avère nécessaire pour le praticien de la réadaptation d'établir un lien de confiance avec son client au cours du processus d'entretien. L'exactitude des auto-déclarations dépend de la mesure dans laquelle la personne a le sentiment qu'une divulgation de ses renseignements sera avantageuse pour elle. Le degré d'auto-divulgation est susceptible d'être supérieur dans le contexte où la personne comprend les rôles des praticiens, a confiance en leur expertise, se sent respectée et valorisée et qu'elle sait à quoi serviront ces renseignements. Même lorsque l'attention est tournée vers l'établissement d'un lien de confiance entre le praticien et le client, il est notoire que les auto-déclarations sont souvent influencées par le désir de se présenter sous un jour plus favorable. Par exemple, on omet souvent de déclarer son véritable niveau de consommation d'alcool. Dans d'autres cas, les personnes peuvent avoir l'impression que le prix à payer pour avoir divulguer de l'information au cours d'un entretien clinique est trop élevé. Par exemple, elles peuvent avoir l'impression que la date de leur sortie de l'établissement de soins sera reportée, ou que l'autorisation de retourner à des activités valorisantes, comme le travail ou la conduite automobile peut être compromise par la divulgation de l'ampleur réelle des problèmes qu'elles vivent. L'information est souvent divulguée après avoir longuement établi un lien de confiance dans la relation client-praticien.

D'autres obstacles existent dans le recours aux entretiens pour obtenir des auto-déclarations. Des incapacités de communication, comme la dysphasie et la dysarthrie, sont relativement fréquentes dans le domaine de la réadaptation neurologique et peuvent sérieusement restreindre la quantité d'information pouvant être obtenue au moyen de l'auto-déclaration. Dans cette situation, on recommande la consultation auprès d'un orthophoniste afin de déterminer le moyen le plus efficace de communiquer. Les clients présentant d'importantes déficiences cognitives, comme de la confusion, de la désorientation, de bas niveaux de conscience/de vigilance et une mémoire peu fiable sont de mauvais candidats pour les entretiens d'auto-déclaration. Cela comprend également les personnes atteintes de démence avancée et celles qui sont dans un état d'amnésie post-traumatique consécutivement à un traumatisme cranio-cérébral. Les différences linguistiques et culturelles peuvent également présenter un obstacle à l'utilisation des entretiens cliniques. Le recours à des interprètes et à la consultation avec des agents de liaison culturelle sont essentiels pour veiller à ce que les entretiens soient conduits d'une manière conforme aux valeurs culturelles et que les données provenant de l'auto-déclaration soient exactes.

Les questionnaires d'auto-déclaration

Il existe une pléthore de questionnaires d'auto-déclaration employés dans la recherche en réadaptation et dans la pratique clinique. Certains d'entre eux sont bien établis et possèdent d'excellentes propriétés psychométriques, alors que d'autres le sont moins. Les questionnaires constituent un moyen populaire de recueillir des données, parce qu'ils sont relativement peu dispendieux, rapides à administrer et qu'ils peuvent évaluer une vaste gamme de dimensions, soit personnelle, fonctionnelle ou environnementale.

Un certain nombre d'études ont enquêté sur l'exactitude de l'auto-déclaration par le biais de méthodes employant des questionnaires et ont obtenu des résultats variables. Hilton et coll. (2001) ont constaté des problèmes sur le plan de l'utilisation de l'Assessment of Living Skills and Resources (ALSAR), une mesure des activités instrumentales de la vie quotidienne. Plus précisément, l'échelle de cotation à 3 points ALSAR s'avérait sensible comme instrument de mesure fondé sur la performance, mais beaucoup moins comme instrument de mesure auto-déclarée. En revanche, une comparaison des auto-déclarations et des jugements cliniques de l'adaptation psychosociale à la maladie des patients atteints de pneumopathies chroniques a permis de constater qu'un questionnaire d'auto-déclaration permettait de déceler des difficultés d'adaptation chez des patients que les jugements cliniques n'avaient pas permis de déceler (Stubbing et coll. 1998). Jensen et coll. (2005) ont constaté qu'une version auto-déclarée de la mesure de l'indépendance fonctionnelle (MIF) s'avérait une mesure fiable et valide chez les adultes atteints d'une maladie neuromusculaire et de douleurs chroniques. Des études de clients ayant subi un traumatisme cranio-cérébral ont décelé peu de différences entre les réponses provenant d'auto-évaluations et les réponses des proches à des questionnaires évaluant la fonction psychosociale (ex. : Kuipers et coll. 2004) et la fonction mnésique (Port et coll. 2002), malgré une tendance de cette population à surestimer ses capacités.

Les questionnaires d'auto-déclarations offrent un moyen d'accéder aux perspectives des clients sur des facteurs subjectifs (ex.: degré de douleur, humeur, perception des capacités personnelles, qualité de vie). Ils permettent de quantifier l'information issue de variables environnementales (ex.: niveau de soutien social) et d'incidences sur la participation (ex. : intégration communautaire) qui seraient autrement impossible à observer en milieu clinique. Les questionnaires peuvent être administrés en personne, par téléphone ou par la poste, caractéristique faisant d'eux des instruments de mesure de base pour la recherche dans le domaine de la réadaptation. Il est possible qu'il faille adapter la méthode d'administration des questionnaires d'auto-déclaration pour les clients présentant des déficiences cognitives, comme un déficit de l'attention prolongée, une incapacité de communication, comme l'aphasie ou une déficience visuelle. L'administrateur du questionnaire peut avoir à lire chaque question, en vérifier la compréhension et aider le client à indiquer la bonne réponse. Un milieu calme, exempt de distractions et des pauses d'une durée adéquate sont également nécessaires. Il est également important de choisir les questionnaires ayant un niveau d'alphabétisation approprié et conçus pour favoriser la compréhension (ex. : taille suffisante des caractères et des espaces blancs).

Déclarations collatérales

Il n'est pas toujours possible d'obtenir une auto-déclaration précise de la part d'un client. Dans ce cas, on a recours à la pratique standard en réadaptation qui est d'obtenir des rapports collatéraux de personnes proches du client. C'est particulièrement le cas lorsque l'information doit servir à documenter d'importantes décisions. Les membres de la famille et les principaux aidants auront souvent une perspective différente de celle des clients concernant certaines questions qui peuvent servir à vérifier l'exactitude des renseignements auto-déclarés. Il est toutefois bon d'admettre que les rapports effectués par des membres de la famille peuvent être influencés par des facteurs, comme le stress, la fatigue et le fardeau de l'aidant. Les membres de la famille peuvent également démontrer de l'ignorance ou du déni par rapport à l'ensemble du tableau des problèmes, en particulier dans les premières phases de la réadaptation. Les questions d'auto-divulgation peuvent également influencer les rapports effectués par les membres de la famille, particulièrement s'ils ont l'impression que l'information peut avoir une influence défavorable sur le traitement d'un membre de la famille, ou que le fait de « fournir des renseignements » sur eux constitue une forme de déloyauté. Il est donc tout aussi important d'établir un lien de confiance avec les membres de la famille et de démontrer un souci dans le respect des différences culturelles au cours du processus d'entretien. On peut arriver à favoriser l'honnêteté dans les réponses en s'entretenant avec les membres de la famille en l'absence du client.

Parmi les autres sources de rapports collatéraux disponibles, on compte ceux des praticiens généraux, des autres professionnels et des membres de la communauté élargie du client (ex. : employeurs, enseignants), à condition que le client ait consenti à ce que ceux-ci divulguent des renseignements à son propos.

Fidélité et validité des auto-déclarations

Les critiques habituelles concernant les mesures auto-déclarées sont liées à leur fidélité (c.-à-d. si les données sont reproductibles) et à leur validité (c.-à-d. si elles mesurent ce pour quoi elles ont été conçues). La fidélité des déclarations des clients en réadaptation neurologique est particulièrement discutable si l'on est en présence de déficiences cognitives et d'un jugement intuitif réduit. La fidélité est susceptible d'être supérieure pour les clients dans les dernières phases de la réadaptation qui comprennent mieux leur état courant. Signe encourageant, Meyer et coll. (2006) ont constaté que la plupart des patients en réadaptation démontre une motivation et des facultés cognitives suffisantes pour offrir des auto-évaluations valides dans le cadre d'un questionnaire de réadaptation. Alors que la plupart d'entre eux ont pu remplir le questionnaire de façon autonome à la maison, des patients qui expérimentaient des difficultés ont demandé à un partenaire de les aider, ce qui a donné un taux de participation au questionnaire de 95,5 %.

Les cliniciens et les chercheurs peuvent maximiser la fidélité et la validité des auto-déclarations en choisissant des instruments de mesure possédant des propriétés psychométriques reconnues, un processus d'administration bien documenté et des lignes directrices sur les scores. Des formats structurés et normalisés de collecte de données reflètent le fonctionnement du client de façon plus précise. La rentabilité et la vitesse de collecte des données de questionnaires doivent être rigoureusement soupesées par rapport à la signification des données obtenues. L'utilité clinique des questionnaires d'auto-déclarations peut également être limitée par des incohérences d'échelle et des effets de plafonnement en plus de manquer de sensibilité au changement. Cela peut également influencer leur utilité dans l'évaluation de l'efficacité des programmes de réadaptation. Le défi pour l'avenir consiste à mettre au point des instruments de mesure sensibles aux détails subtils, pourtant extrêmement significatifs sur le plan fonctionnel, que l'on observe chez les clients au cours de leur réadaptation. En attendant, il est recommandé de vérifier les données auto-déclarées en les comparant à d'autres sources, comme aux données d'observation de la performance fonctionnelle.

origine