L'évaluation de l'autonomisation

Comme tout autre soutien disponible à grande échelle (et généralement financé par le gouvernement fédéral ou l'État), les professionnels de la réadaptation sont de plus en plus responsables des résultats relatifs à la prestation de soutien et de services, et l'évaluation de programmes devient donc un élément important du processus de réadaptation. Malheureusement, les gains obtenus dans la prestation de services de réadaptation et de soutien dans le cadre de l'autonomisation peuvent aisément être démantelés ou amoindris par un processus d'évaluation qui n'a pas recours à une approche philosophique semblable. L'évaluation de programmes concerne, en termes simples, les efforts déployés pour évaluer l'efficacité et l'utilité d'un programme donné.

L'évaluation de programmes traditionnelle est, de manière générale, une affaire pyramidale menée par des spécialistes dans la conception d'évaluation, la collecte de données, l'analyse et la production de rapports. Des organismes engagés dans une vaste gamme d'activités en matière de programmes, du traitement de la toxicomanie à la prestation d'activités sportives pour les jeunes, ont souvent dû embaucher un « spécialiste » en évaluation externe pour évaluer leur programme. L'évaluation de programmes traditionnelle identifie habituellement une seule personne en tant qu'« évaluateur », et cette personne est normalement un spécialiste en évaluation provenant de l'extérieur de l'organisme elle-même.

Alors qu'il y a souvent quelques avantages d'avoir une personne qui est, du moins en théorie, externe à l'organisme qui souhaite évaluer l'efficacité du programme, il y a également un prix à payer pour compter sur des spécialistes de l'extérieur. Premièrement, en ce qui a trait à la question de l'objectivité, il est important de noter que, bien que des évaluateurs externes puissent être plus objectifs qu'une personne provenant de l'intérieur de l'organisme, cela ne veut pas dire qu'ils seront d'une objectivité absolue. Au-delà de la simple question de l'objectivité de l'évaluateur, cependant, on se préoccupe de plus en plus au sein des services aux personnes ayant des incapacités, en particulier dans le domaine des services de réadaptation, du fait que l'accent mis sur l'objectivité et la mesurabilité de l'évaluation de programmes et des systèmes de responsabilisation n'a, en fait, pas eu les effets positifs escomptés dans la vie des personnes appuyées par ces programmes. Fetterman (1996) et ses collègues ont proposé, en tant que solution de rechange à l'évaluation de programmes traditionnelle, un modèle d'évaluation appelé Empowerment Evaluation. Le modèle Empowerment Evaluation fait appel:

à l'utilisation de concepts, de techniques d'évaluation et de trouvailles vouées à favoriser l'amélioration et l'autodétermination. Il emploie à la fois des méthodologies qualitatives et quantitatives. Bien que ce modèle puisse s'appliquer à des personnes, des organismes, des communautés, des sociétés ou des cultures, l'accent est mis sur les programmes. Ce modèle est soucieux des processus d'autonomisation et des résultats (Fetterman 1996, p. 4).

Le cadre d'évaluation de l'autonomisation est largement utilisé dans une vaste gamme de programmes et de politiques, en plus d'être utilisé pour évaluer des programmes en matière de prévention de la toxicomanie, de réforme de l'aide sociale, de prévention du VIH, de réforme scolaire et de prévention du crime (Fetterman 1996). De plus, la démarche d'évaluation de l'autonomisation est bien ancrée dans la théorie et la pratique de l'évaluation, étant donné son « institutionalisation au sein de l'American Evaluation Association » (Fetterman 1996, p. 3) et le fait qu'elle exprime l'esprit des normes élaborées par le Joint Committee on Standards for Educational Evaluation (Fetterman 1996). Contrairement à l'évaluation traditionnelle des programmes, le processus d'évaluation de l'autonomisation possède:

une orientation univoque sur les valeurs – le processus est conçu pour aider les personnes à s'aider elles-mêmes et à améliorer leurs programmes en se servant d'une forme d'autoévaluation et de la réflexion personnelle. Les participants à des programmes effectuent leurs propres évaluations et agissent normalement comme des animateurs; un évaluateur externe sert souvent de conseiller ou d'animateur supplémentaire en fonction des capacités internes du programme (Fetterman, 1996, p. 5).

Fetterman (1996) continue en affirmant que l'évaluation de l'autonomisation est, par nécessité, « une activité de collaboration en groupe, non pas une quête individuelle, » et il souligne qu'« un évaluateur n'investit et ne peut investir personne de pouvoir; les personnes se prennent en main elles-mêmes, souvent avec de l'aide et un encadrement » (p. 5). Fetterman prétend plus loin qu'en raison de la nature démocratique du processus d'évaluation de l'autonomisation, l'intention ou le but du processus se modifie. L'évaluation traditionnelle des programmes se concentre et se traduit en bout de ligne par une évaluation de la valeur et de l'utilité du programme. Ce jugement est le point final du processus d'évaluation de l'autonomisation. Dans l'évaluation de l'autonomisation, toutefois, la détermination de l'utilité d'un programme devient un indicateur de la nécessité d'améliorer le programme. Fetterman (1996) a écrit:

Les participants à des programmes apprennent à évaluer continuellement leurs progrès dans l'atteinte de leurs objectifs d'autodétermination et à revoir leurs plans et leurs stratégies en fonction de cette évaluation. Ce faisant, on favorise leur autodétermination, on génère chez eux l'inspiration et on actualise leur sentiment de libération (p. 6).

Fetterman et ses collègues ont identifié plusieurs étapes dans le processus d'évaluation de l'autonomisation:

Étape 1: Faire le bilan

La première étape du processus d'évaluation de l'autonomisation consiste à demander aux participants du programme, à ceux qui y ont eu recours et à ceux qui offrent le soutien et les services d'attribuer une note au programme basée sur une échelle de 1 à 10, 10 indiquant le niveau le plus élevé de qualité et de satisfaction. L'importance de cette étape n'est pas précisément liée à la note attribuée à proprement dit, mais à l'établissement d'une banque de renseignements de base et à l'occasion qui est offerte à chaque participant d'exprimer sa perception de la qualité du programme. Fetterman fait également remarquer que ce processus illustre ou renforce souvent la nécessité de recueillir des données qui supportent ou réfutent certaines de ces perceptions.

Étape 2: Fixer des objectifs

La deuxième étape de ce processus consiste à demander aux participants du programme d'indiquer la note qu'ils attribueraient au programme dans l'avenir, et de définir des objectifs qui les mèneront à cette note. Cette activité de définition des objectifs se situe au niveau de l'amélioration du programme sans être liée à la définition d'objectifs particuliers en matière d'habilitation.

Étape 3: Élaborer des stratégies

À la troisième étape, les participants au programme ont pour responsabilité d'élaborer des stratégies afin de réaliser les objectifs généraux du programme. Au niveau du processus de planification de la réadaptation, il s'agit de la détermination de moyens de soutien appropriés et d'objectifs connexes.

Étape 4: Étayer les progrès

À cette étape, on demande aux participants du programme quels types de documents sont nécessaires pour démontrer les progrès effectués à deux niveaux: les progrès réalisés dans le système d'objectifs défini à l'étape 2 et les progrès réalisés sur le contenu spécifique ou les objectifs et les stratégies de programme définis à l'étape 3.